L’outil privilégié de l’évaluation socio-économique, qui est l’analyse coûts-bénéfices (ACB), consiste à mettre en balance les bénéfices socio-économiques d’un projet (c’est-à-dire l’amé- lioration du bien-être social induite par le projet) avec ses coûts afin d’éclairer les décideurs sur le bénéfice net résultant d’un projet. Toutefois, bien qu’il existe un large consensus autour de la nécessité d’une telle analyse, on observe au niveau international une forte hétérogénéité dans la mise en œuvre de cette méthode. Plus encore, l’ACB est l’objet de nombreuses critiques, tant du point de vue de son exécution (évaluation monétaire des conséquences non marchandes, choix du taux d’actualisation) que de l’importance des impacts omis dans cette analyse. Lors d’un récent colloque sur le sujet, Quinet (2015) affirmait en effet que « de nombreux mécanismes impactent directement le niveau d’activité et ne sont pas pris en compte par l’analyse traditionnelle ».
Il existe aujourd’hui un large consensus à la fois sur le caractère stimulant des infrastruc- tures sur l’activité économique et sur l’existence d’un déficit d’infrastructures croissant au niveau mondial, qui constitue une double incitation à une hausse des investissements dans ce domaine. Compte tenu des caractéristiques inhérentes à ce type de projets (investissements importants, rentabilité à long terme, impact direct et indirect sur le surplus collectif), une évaluation socio-économique des projets d’investissement en infrastructures apparaît indispensable pour guider la décision publique.
Pourtant, dans un contexte de forte pression budgétaire des Etats, une amélioration des méthodes d’évaluation socio-économiques des projets d’investissement en infrastructures (parce qu’elle permettrait d’identifier les projets les plus rentables) pourrait favoriser un accroissement du nombre de projets réalisés, et donc une convergence du stock d’infrastructures avec les besoins.
L’objectif de cette étude est d’ouvrir la voie à cette refonte des méthodes d’évaluation des projets d’investissement en infrastructures en réconciliant les besoins opérationnels avec la recherche académique. Cela passe, d’une part, par une analyse des arguments théoriques et empiriques qui plaident pour une révision des méthodes traditionnelles d’évaluation, et d’autre part, par une analyse critique de la mise en œuvre de ces méthodes par les gouver- nements et institutions internationales.
Cette étude met en évidence la nécessité de constituer des bases de données au niveau international, indispensables à une analyse plus approfondie du déficit d’infrastructures et à l’identification des sources d’erreurs dans la réalisation des évaluations socio-économiques des projets. Ces premières analyses fourniraient des fondements empiriques solides pour développer un nouvel outil d’évaluation qui devrait concilier solidité méthodologique et flexibilité, afin d’être adopté au niveau international, et utilisé de manière systématique.
Jeanne Amar
2019